Jardin contemporain permanent, Jardins de Métis et Ville de New-Richmond, Gaspésie, Qc - 2005
« On dit que les tracés et les aménagements de pierre recèlent des significations cachées ».[1]
Mon intérêt pour la philosophie taoïste et la culture orientale est à l’origine du regard intéressé que je pose sur le jardin japonais et plus particulièrement sur ses jardins secs. Au fil des ans, les jardiniers japonais ont donné un sens particulier à chacune des pierres qui compose leur création. Au début, les pierres hébergeaient une puissance surnaturelle. Par la suite, avec l’influence du taoïsme, on s’est mis à considérer les pierres plutôt comme des conducteurs ou des régulateurs de l’énergie vitale, communément appelé le chi. Cette tradition a servi d’élément déclencheur pour le projet de la rivière.
Pendant la cueillette des petites pierres se retrouvant dans la maquette, un curieux sentiment d’appartenance s’est tracé un chemin dans ma tête et dans mon coeur. Je me suis souvent surprise à penser à mes origines et à celles de la Gaspésie. Ce projet Les Pierres Migrantes a installé ses racines dans ce regard porté sur cette région unique. La rivière de pierres illustre le parcours de la vie avec ses différents ancrages. Les pierres symbolisent cette migration humaine sur le territoire. La spirale qui entoure l’arbre met en lumière l’énergie de la nature… le chi?
C’est avec de plus en plus de conviction que j’ai réalisé que ce projet prendrait tout son sens s’il était réalisé avec des pierres provenant de plusieurs régions du territoire gaspésien. Il y a trois parties de la Gaspésie qui sont signifiantes pour moi. La Haute-Gaspésie, lieu qui habite mon enfance jusqu’à ma vie de jeune adulte. Vient ensuite la Côte-de-Gaspé, où je demeure depuis mon retour après un exil de plus d’une vingtaine d’années (1996-2016). Et enfin, la Baie-des-Chaleurs qui, grâce à son centre en art actuel, est un terreau fertile pour une vie de créatrice.
Des pierres de différentes grosseurs provenant de ces trois régions composeront l’essentiel de ce projet. Les Pierres Migrantes prend ici un sens réel. Les pierres migreront pour vrai. En me promenant sur la grève, j’ai soupesé des pierres. Je voulais m’assurer que ce projet soit possible à réaliser. J’ai évalué mes forces et ma capacité physique à mener ce projet à terme.
Aussi utopique qu’il peut en avoir l’air, j’ai été surprise par la faisabilité de ce projet. La plupart des pierres qui ont été installées dans cette rivière imaginaire étaient manipulables à « bras ou avec un diable ». L’organisation du travail favorisait l’autonomie et le rythme personnels. Il n’y a eu que cinq grosses pierres qui ont demandé l’aide d’une tierce personne. L’installation de ces éléments sur le site s'est faite à partir de l’unicité de chacun d’entre eux.
La clôture de bois, de même que sa couleur, est à l’image de ces ponts japonais laqués de rouge qui symbolisent le passage de monde des hommes au monde plus vaste de la nature, ou à l’élévation de notre état de conscience.
La provenance régionale de ces pierres a le bonheur de réunir symboliquement une partie du territoire gaspésien dans un même lieu. Les Gaspésiens sont des migrants. Ils se promènent dès leur tendre enfance, soit pour le voyage, les études ou des soins médicaux. La Gaspésie est une terre d’accueil. Ceux qui la choisissent le font parce qu’ils retrouvent, à travers cette nature, une authenticité. Et enfin, l’art favorise l’ouverture vers une autre culture, une nouvelle connaissance pour certains.
La cueillette autour de la péninsule
La réalisation du jardin
Projet terminé en 2005