Ce nouveau cycle débuté au début de l'année 2025 place la Nature au coeur de ma pratique. Cette fois-ci , je désire travailler avec la performeuse gestuelle que je suis.
En 2018, j’ai complété une recherche doctorale où j’ai rassemblé l’art performance, la danse et le tai chi. J’ai exploré ces trois arts sous une gouverne universitaire avec des objectifs d’avancement dans une pratique à partager.
J’ai réalisé que je n’avais pas eu l’opportunité d’explorer et d’expérimenter les acquis récoltés au fil de cette recherche. La pandémie s’est pointée et un déménagement de la ville à la campagne suivie d’une maitrise en Méditation et processus de création (Uqam 2021-2022) ont orienté un cycle de création qui ont mis en dormance l'essentiel de ma recherche sur le corps dansant.
En ce moment, je reviens au travail corporel et performatif et cette idée s’avère extrêmement stimulante et inspirante. C'est tout jeune et ces premiers balbutiements sont du bonheur. Je suis donc de retour en studio. J'y effectue une recherche sur l'expression gestuelle des ressentis dans sa forme la plus authentique. J'expérimente la transition vécue sur le territoire que je marche versus la mémoire tangible issue de l'expérientiel. Le défi est de réunir ces deux états et de les porter vers la danseuse que je suis.
Soirée lunaire ou la beauté dans la nuit
6h30 du matin, je marche.
Une éclipse lunaire a eut lieu la nuit dernière.
Je me retrouve sise entre deux astres.
D'un côté, la lune qui quitte pour terminer son cycle.
De l'autre, le soleil qui débute le sien.
Moment fabuleux, une grâce de la Nature.
Converser avec la lumière, une première exploration gestuelle
C'est sous belle lumière dans notre espace d'exploration situé au Centre Communautaire de Waterville que les fondements s'installent.
C'est à la mi-janvier que j'amorce véritablement ce travail de rencontre entre la Nature et ma démarche corporelle.
Je ressens un désir de rencontre et de partage et un besoin profond de travailler en collégialité. Sortir de mon territoire et le semer à tout vent.
J'ai fait appel à Alex-Ann Boucher https://www.alexann.art, rencontrée dans un atelier sur le rituel artistique et lors d’activités de rencontres entre performeur.euse.s. J'ai vite appris qu’elle édifie sa pratique sur des ressources similaires aux miennes. Souhaitant retravailler sur des explorations gestuelles et poétiques semblables à celles expérimentées lors de ma recherche doctorale, elle s'avère la personne toute désignée pour faire un bout de chemin avec moi.
Elle m’aide à raviver ce qui est déjà là finalement. Ce partage d’expériences intergénérationnelles avec Alex-Ann est prometteur.
Ensemble nous célébrons la Nature, l'humain et le corps dansant.
Source et ressource
Photos : Alex-Ann Boucher
Devenir fleur
Un après-midi d'exploration où le sujet le la conversation tourne autour du mouvement de la nature et de la beauté profonde des fleurs. Inspirée par une image macro d'un pétale d'iris, je laisse le vent et l'iris s'imprégner dans ma mémoire.
Je deviens l'iris sous le vent.
photos : Alex-Ann Boucher
De l'atelier au studio
Durant mes lectures et recherches, j'ai redécouvert le travail de Isadora Duncan. J'étais curieuse de la redécouvrir avec d'autres intentions. Je me souvenais que j'étais davantage inspirée par sa simplicité et par son amour pour le corps dans son authenticité, sa simplicité. Aussi, dans mes lectures glanées ici et là, j'y lis qu'elle accordait une place particulière à la spiritualité. J'ai extrait cette citation qui résume selon moi une part de sa spiritualité:
" Chercher dans la nature les formes les plus belles et découvrir le mouvement qui exprime l'âme de ces formes : voilà la mission du danseur".
Cette semaine-là, je suis arrivée au studio avec un objet naturel récupéré en marchant sur mon terrain et cette citation de Duncan.
Alex-Ann et moi avons exploré mon rapport aux formes et au sens de cet élément de la nature communément appelé "balai de sorcière". Ceci se forme sur les conifères et c'est le travail d'un champignon.
Toutefois, ce qui m'a le plus étonnée durant mon exploration, ce sont les formes dansantes qui émergeaient de mon observation attentive de cet objet naturel. Ces dernières m'ont inspiré un travail gestuel tout en lenteur et en féminité.
Je transportais avec moi cet enseignement de Duncan lors de mon exploration. J'ai noté ceci dans mon carnet :
-Il y a eu un rapport aux rides du corps vieillissant;
-Le balai de sorcière était en fait le rassemblement d'une multitude de danseurs qui se déployait autour d'un axe;
-J'ai été inspirée par les formes dansantes que je ne finissais pas de découvrir et de redécouvrir jusqu'à plus soif;
-Le balai de sorcière s'est transformé en un monde infini qui à son tour m'a transformé vers un espace gestuel plus organique et j'ose espéré authentique.
Des questions, des interrogations et des orientations
J’ai l’impression que je dois perdre une jambe pour aller ailleurs, je gravite toujours autour des mêmes choses.
C'est comme si le corps dansant, le corps vieillissant… j’arrive pas à faire déployer ça autrement, j’aimerais ça découvrir d’autres zones…
Un coup que ça c’est dit: so what… provoquer quelque chose…
Découvrir un ailleurs que je connais pas, dans mon corps, ma manière de bouger, d’être amenée dans quelque chose…
Être dirigée, obligée de faire quelque chose qui n'émane pas de moi. Être dans l’univers de quelqu’un d’autre… aller à la rencontre d'un moi que je ne connais pas: est-ce encore possible à mon âge? Est-ce que je dois apprendre le baladi pour y aller? (rire)
La danse en ligne, faudrait peut-être me garder une petite gêne… ce que mon corps peut offrir comme création, comme mouvement.
(...)
J’aimerais reproduire ça dans la portion artistique: comment je peux aller toujours un peu plus creux, dans une gestuelle créative signifiante (comme avec le Tai Chi) qui est de l’ordre de la partie artistique de moi.
Je répète un mouvement, je scrute, je suis allée au fondement de ce mouvement-là.
Comme le ballet, y’a un modelage, une précision qui se raffine de l'extérieur. J’aimerais un travail où je n'ai pas à chercher quoi mettre sur la table, je trouve ça épuisant.
Propos recueillis par Alex-Ann lors de notre rencontre du 1er mai.