Résidence de création GRAVE, Victoriaville - 2007
Mon intérêt pour l’opéra et le chant lyrique a servi de base à une recherche vocale. J’ai rencontré un mode d’expression qui m’offrait des possibilités de création vocale inusitées, mais aussi la possibilité de rendre la musique, visuelle. Une chose totalement farfelue comme concept de travail puisque je ne suis pas une musicienne et je ne connais pas le solfège.
C’est à la suite de cette introduction dans l’univers de la musique bruitiste que l’idée de développer un projet plus étoffé m’est venue. J’étais particulièrement intéressée par les partitions schématiques utilisées en musique actuelle. C’est d’abord mon regard d’artiste visuelle qui a été séduit par ces partitions. Ces écritures musicales sont construites avec des schémas de formes diversifiées et les compositeurs n’ont absolument aucune limite ou contrainte dans la façon de les présenter. Ils dirigent les musiciens ou chanteurs, à partir de canevas réglés par un rythme dans lequel se nichent l’improvisation et la spontanéité.
À l’automne 2005, j’ai réalisé lors d’une résidence de création au Centre d’artistes Vaste et Vague à Carleton, une première partition schématique interprétée par la suite en performance en compagnie de Carmen Léger. C’est ce projet qui a été l’instigateur des partitions schématiques réalisées à Grave. Le projet de départ d’Écrire avec bruit proposé à GRAVE était de rendre possible cette idée d’écrire une partition schématique. Le concept de récupération et de recyclage, que l’on retrouve dans les orientations artistiques du centre d’artistes GRAVE, ont été les éléments qui m’ont encouragée à déposer une demande de séjour en résidence de création dans ce lieu. La récupération d’une expérience personnelle dans un dessein de partage et de rencontre avec l’autre et le recyclage d’un matériau, en l’occurrence des partitions musicales et des mots diversifiés, pour la réalisation de mon projet correspondaient tout à fait à nos objectifs communs.
Dans les mois qui ont précédé mon séjour en résidence, j’ai amorcé le travail avec les partitions musicales afin de pouvoir faire vérifier la lecture de celles-ci par des musiciens. Je voulais surtout me faire confirmer la lisibilité possible de mes partitions schématiques et me donner l’élan nécessaire pour poursuivre mon idée. J’étais consciente dès le départ qu’aussi séduisante que fût l’idée d’écrire des partitions schématiques, je restais d’abord et avant tout une artiste visuelle. Je me demandais s’il était possible de relier ces deux univers.
Mon travail en résidence s’est donc concentré sur le développement et la création de quelques partitions schématiques. Mon expérimentation des mois précédents dans mon atelier m’a permis de comprendre que mon travail prenait un sens particulier lorsque celui-ci était réalisé sur des partitions déjà écrites. À mon arrivée dans la ville, je me suis donc procuré d’anciennes partitions chez un marchand de livres usagés. Je suis attirée par elles d’abord parce qu’elles sont devenues pour moi un symbole. Mon incapacité de lire cette écriture illustre en quelque sorte mon incapacité physique de chanter ou de jouer de la musique. De plus, je suis sensible en tant qu’artiste visuelle à la texture des partitions musicales. Elles me stimulent esthétiquement et orientent mon travail plastique.