Au printemps 2018, j’ai accompagné ma mère âgée de 92 ans dans la fin de sa vie. Une heure après sa mort, je suis retournée dans sa petite chambre. J’ai pris des photos de son espace de vie avec mon cellulaire. Tout était arrêté dans le temps de sa récente présence. Par la suite, en visionnant les photos sur mon ordinateur, j’ai été captivée par les plis qui restaient sur son lit. Ils témoignaient de la présence vivante de ma mère vieillissante et malade qui n’était plus. J’ai fortement ressenti la fragilité. C’est ainsi que j’ai eu une révélation sur la puissance de ce que je nomme « le regard pauvre ». Des plis dans une couverture sur un lit. Des plis dans une couverture qui avaient été faits par ma mère juste avant de quitter son lit, pour toujours. Depuis ce temps, je regarde autrement l’environnement qui m’entoure. Je suis sensible à ce que je ne vois pas d’emblée. Je cherche à y puiser une poésie du fragile. C’est suite à cette découverte que durant tout l’été 2018, je me suis intéressée à une flore oubliée. Je me suis concentrée sur l’infiniment petit. J’ai posé, au propre comme au figuré, mon attention sur la flore pauvre de la nature. J’ai cherché à capter, sans vouloir la magnifier, une fragilité qui pouvait en émaner. J’ai surtout fait la rencontre d'une sorte de beauté. Cette démarche s'est s’intéressée à découvrir, par le biais du regard microscopique, la grandeur et la fragilité d’un environnement naturel ou humain. Elle s'est activée par une pratique de l’instantané (photos sur cellulaire, dessins et action performative) en explorant le petit, l’anodin, l’instable, le froid ou le chétif qui se cache dans les espaces naturels, les parcs et autres lieux où la nature a un peu préséance. C’est une question de poésie du, et avec, le quotidien finalement.
La portée de notre regard influence-t-elle notre état d’esprit ou bien, est-ce le contraire? Lorsque nous nous promenons, déambulons ou marchons pour nous déplacer d’un lieu à un autre, que regardons-nous? Dans les espaces verts, parcs et aires protégées en milieux urbains ou ruraux, le regard se pose tout naturellement sur le majestueux et le merveilleux que la nature offre à nos yeux. Le vieil arbre et ses racines, le soleil sur les fleurs, le papillon qui virevolte un peu partout, les enfants qui s’amusent ou la neige qui tombe doucement, etc. Nous sommes en présence d’un autre point de chute pour notre regard. Nous regardons toujours le beau ou son contraire.